L'affaire Mayetic me rappelle une sombre histoire que j'ai vécue avec des journalistes peu scrupuleux.
Il y a une dizaine d'années, j'ai été interviewé par une journaliste du Wall Street Journal. Celui-ci était célèbre pour déclarer que les entreprises françaises étaient incapables de réussir aux Etats-Unis. J'avais été sélectionné parmi une quinzaine de managers de ma boite pour montrer à ce journaliste qu'il se trompait. En une heure d'entretien (en anglais), je lui expliquais donc que mon équipe était multiculturelle, que j'écrivais indifféremment en français ou en anglais (même dans mes notes personnelles), que mes clients étaient de toute nationalité, etc… Je lui soulignais aussi que lors des embauches, je conduisais une partie de l'entretien en anglais, car c'était la langue de travail pour une équipe internationale.
Quelques jours plus tard, le journaliste écrivait un article dans lequel il me citait et disait que je ne m'adressais pas aux gens qui ne parlaient pas anglais ! Bon c'était dans le Wall Street Journal, et franchement je ne relevais pas l'interprétation qui me paraissait stupide mais bénigne.
Le temps passa.
Quelques semaines plus tard, un article du Figaro me déclarait traître à la nation ! Vous rendez-vous compte… une association qui soi-disant défendait la langue française, me citait dans l'introduction de son rapport de 80 pages sur la situation dramatique de la langue française. Elle développait dans un des chapitres que je refusais de m'adresser aux collègues qui ne parlaient pas anglais. Inutile de vous dire que ni le journaliste du Figaro, ni un quelconque membre de l'association ne m'avait jamais adressé la parole.
Ma famille ayant payé un lourd tribu aux guerres du 20ème siècle, quelques-uns de mes oncles, cousins, parents écrivirent au Figaro et à la fameuse association. De mon coté, j'écrivis, j'appelai sans résultat ni droit de réponse. Je finis par joindre le vieux monsieur président de l'association en question – je ne leur ferai pas de pub, ils ne le méritent pas. Ce vieux monsieur condescendant me déclara: "faites un démenti formel dans le Wall Street Journal, et nous retirerons ce qui vous concerne du rapport en question."
Si le Figaro ne me répondit jamais, vous pensez bien que le Wall Street Journal avait d'autres chats à fouetter que d'écrire un démenti sur une affaire aussi ridicule. Mais le mal sur ma famille était fait, la calomnie gratuite, aucune vérification de sources par l'association et le journaliste, interprétations et déformations à gogo, impossibilité de répondre.
Comme je l'ai écrit précédemment, je pense que la blogosphère devient un puissant outil de contre-pouvoir des médias institutionnels. Certains journalistes sont des pros. D'autres sont biens misérables, et détiennent pourtant entre leurs plumes le destin de leur concitoyens, sans assumer les conséquences de leur méfaits.
Je ne sais pas rien de l'affaire Mayetic, mais ce que je connais de Bruno et Miguel, et ce que je sais de certaines pratiques politiques et journalistiques m'incline à la plus grande circonspection. J'ai donc signé la pétition qui demande au premier ministre de clarifier cette affaire.