J’ai récemment terminé l’animation d’une formation à “l’optimisation du temps”. A chaque fois, c’est un chantier risqué. Elever la conscience des participants qu’être la victime plus ou moins consentante, non pas de la tyrannie des autres, mais de nos propres peurs et limites, tout en leur donnant quelques pistes de reprise en main, demeure un défi. On est face à soi-même et à ses contradictions quand on essaie d’ouvrir le champ de vision de nos partenaires de vie. Qui suis-je donc pour oser questionner les autres, alors que j’ai mal à mes propres tourments ?
Pourtant, il faut bien reconnaître que si cette formation appelle des réactions souvent houleuses en introduction, elle finit par ébranler les plus sceptiques. Ce mot là “sceptique” était encore bien présent dans les attentes de la dernière session. De même que “on me l’a imposée”. Sommes-nous si sûrs de nous et de notre manière de faire pour ne pas donner une chance à une nouvelle approche, sommes-nous si soumis pour ne pas discuter avec notre “hiérarchie” ?
Je m’en suis encore tiré... un participant sceptique m’a discrètement dit à la pause qu’il allait tenter de clarifier ses propres objectifs. Un turbulent finissait la formation avec de nombreuses interrogations sur sa manière d’agir, sur la “forme”. Un autre plus posé alignait sa liste de prises de conscience. Nous nous retrouvons dans quelques mois pour faire le point, tentative d’ancrage pour ce qui est le plus difficile : changer nos façons de faire (et donc de voir).
Nous avons parlé méthode bien sur. Mais tout cela n’a guère d’importance. Ce que je crois c’est que nos attitudes, nos capacités à sortir de nos zones intimes de confort et de douleurs, sont au coeur. Pourtant, tout cela est absent de la politique d’investissement au profit des entreprises. J’en prends pour preuve la ridicule aberration de la convention de formation qu’il m’a fallu modifier 3 ou 4 fois. Cette convention, rappelons-le, permet à l’entreprise d’être remboursée par les organismes officiels. Ceux-ci ont en charge la très noble tâche de distribuer la manne étatique pour le bienfait du développement des collaborateurs. Les agents en charge ne sont pas en cause, mais bien la politique de répartition de la manne céleste. En effet, j’ai dû, peu à peu, retirer du “programme officiel” présenté dans la convention, tous les termes relatifs à “l’attitude”, le “comportement”, le “développement de l’efficacité personnelle”, le mot “personnel” d’ailleurs était lui-même proscrit. Tout cela au bénéfice des mots “connaissances”, “savoirs”, “méthode”. Cela me rappelle les éternels débats français sur l’école, qui privilégie le bourrage de crâne à l’apprentissage de la vie. A ce propos, nous avons mis 2 enfants dans une école Steiner... une “renaissance” de l’intérêt pour l’école (fin de digression).
Bien entendu, si j’ai modifié les conventions de formation pour qu’elles soient propres et nettes - et que mon client soit remboursé des efforts qu’il investit pour le développement de ses cadres, je n’ai pas changé les fondamentaux de la session. Les participants ont-ils intégré une méthode ? Probablement. Est-elle universellement efficace ? Ce serait bien prétentieux que répondre par l’affirmative. Les participants vont-ils tous changer ? Répondre “oui” friserait l’imposture. Une bonne partie est-elle rentrée avec quelques questions personnelles à approfondir ? Sans doute. Quel sera l’impact de cette formation sur l’efficacité des stagiaires ? J’ai envie d’inverser le propos : qu’a-t-on retenu des milliers (dizaines de milliers) d’heures où des prophètes du savoir nous ont contraints à les écouter, sans consulter notre intérêt ? L'impact de la formation sera, je crois, ce que chacun en décidera...
“Optimiser son temps”, n’est-ce pas simplement observer ce que l’on fait de notre vie, et par petites touches, tenter d'infléchir ce qu'on peut ?
L’entreprise du savoir...