L'autre jour au forum des entrepreneurs, je me suis permis d'intervenir dans un forum intitulé "de l'intéressement au licenciement". Je venais d'entendre de la bouche des intervenants des formules comme: "on perd un emploi, on perd tout", ou encore: "le licenciement, c'est un drame pour le salarié, et un échec pour l'entreprise".
J'ai voulu signaler à quel point notre langage est empreint de catastrophisme, et que nous acceptons cela comme la normalité. Pourquoi oublier les opportunités que les licenciements font naître dans un pays champion du monde de la protection sociale ? Citant les nombreuses start-up issues des plans sociaux de Gemplus, un intervenant m'a rétorqué: "on verra combien il en restera dans 3 ans." Ce à quoi j'ai répondu: "et si on réfléchissait ensemble comment les encourager à réussir... plutôt que de prédire – pour ne pas dire espérer - leurs échecs !"
De même, pourquoi refuser d'accepter que le monde économique est comme la météo: il y a des périodes de ciel bleu, des tempêtes, des journées grises, des grands soleils, des pluies et parfois des tornades. Dire que licencier est forcément un échec de l'entreprise est réducteur. Quand il a fallu équiper les maisons de téléphone, il était nécessaire de tirer des câbles, monter des pylônes, mettre en place des équipements en nombre important. Puis est venu le temps de l'exploitation, nouvelle phase de cette industrie, et donc adaptation des moyens. Nous avons de multiples exemples de ce type, dans toutes les industries. Licencier n'est pas une fatalité, mais ajuster les moyens au marché en est une. Si l'innovation prend le relais des paliers inéluctables du développement, cet ajustement de moyen prend alors la forme d'une nouvelle dynamique, éventuellement à l'extérieur du giron de l'entreprise initiale. Cette nécessaire innovation peut même se situer en dehors du champ des visibles....
Nous devons en permanence faire évoluer nos organisations, alors pourquoi ce langage misérabiliste de notre économie – de la démagogie peut-être... J'ai 45 ans, depuis que j'ai conscience d'exister, j'entends que nous sommes en crise. Pourtant, nous sommes un pays qu'envient des milliards d'êtres humains – je pèse mes chiffres… Un autre intervenant du forum expliquait ce dilemme de la France, pays riche, au peuple intelligent et à l'histoire et au rayonnement mondial extraordinaires, à la géographie si favorable, au système de solidarité si élaboré, et ce pays ne cesse de se plaindre, de s'auto flageller.
De mon point de vue, la forme vaut autant que le fond: travaillons donc notre langage. En adoptant un langage de conquête, en regardant le verre pour son coté mi-plein plutôt que mi-vide, on peut influer sur notre capacité à la prise de risques, sur notre esprit d'innovation.
Les plus grandes avancées ne sont-elles pas souvent sorties des plus grandes catastrophes ?