Ce commentaire d’un anonyme, ancien élève de l’école, participant depuis 15 ans aux divers forums, et qui a fait remarquer que les sujets traités dans ce type de manifestation évoluaient très significativement. On était dans l’atelier « le siècle de la peur a-t-il commencé ? », loin des sujets « business traditionnel » où l’on tente d’expliquer les dernières trouvailles marketing pour écrabouiller son concurrent, ou les exploits financiers de quelques brillantes multinationales.
Ce clin d’œil de Jacques Salomé, célèbre psychosociologue, nous rappelant que derrière chaque peur, il y a un désir. « J’ai peur de perdre mon emploi... j’ai envie de travailler », « j’ai peur que tu me quittes... je veux qu’on reste ensemble », « j’ai peur de mourir... j’ai envie de vivre ! »
Le commentaire insistant de Jacques Perrin, commissaire divisionnaire, exhortant les chefs d’entreprise à se rapprocher de l’école, à s’investir dans leurs quartiers. « Combien gagne à votre avis un gamin de 12 ans, qui fait le gué dans une cité pour protéger des plus grands en train de fomenter un mauvais coup ? 100 € par jour ! Pourquoi voulez-vous qu’il aille à l’école ? »
Mon incapacité à oser faire ce que ma conscience me soufflait. Claude Nahon, responsable du développement durable d’EDF, après des élucubrations tortueuses, s’étonna que la lumière de la salle fût allumée à 10h du matin, un jour de grand soleil marseillais. Je me suis dit : « lève-toi, va éteindre, c’est un geste important, maintenant ». Je n’y suis pas allé, le dégât a suivi… Un petit malin dans la salle a interpellé Madame Nahon « allez donc l’éteindre », ce qu’elle a fait, en se justifiant qu’elle ne craignait pas de le faire, etc, etc… Or, j’appelle cela un petit dégât car on a encore renvoyé vers le responsable « officiel », celui qui est sur les planches, la responsabilité d’agir. Pourtant ne devons-nous pas tous nous mobiliser, réveiller nos consciences…
Walter Baets, directeur de programmes à Euromed, demandant aux chefs d’entreprise de réfléchir, ce week-end, au véritable objectif de leur boite, et s’il n’avait pas de réponse lundi matin, de lancer un programme collectif de travail à ce sujet. Avec humour, il a balayé tout objectif qui se résumerait à « faire de l’argent ». Les temps changent dans les écoles de commerce…
Les anecdotes sucrées d’Eric Julien, géographe. Il guide un Indien d’une tribu Sud-américaine dans un voyage en France. L’Indien, habitué à ce que les trous faits dans la terre aient un sens symbolique, interroge Eric Julien sur le sens du tunnel qu’ils traversent en voiture. Celui-ci lui répond que le tunnel permet d’aller plus vite, de contourner la montagne. Et l’Indien de s’étonner : « jusqu’où voulez-vous aller plus vite ? »
Le « credo in unum croissance » du discours de Laurence Parisot, Présidente du Medef. J’ai été déçu par son discours, déçu par son attaque frontale contre Bruno Juillard, Président du syndicat UNEF.
Arrêtons-nous quelques instants sur l’incident. J’avais trouvé Bruno Juillard maladroit, voire à coté de la plaque lors de la bataille du CPE. Je l’ai trouvé bien meilleur hier. D’abord, il a reconnu que pour lui, 3 mois de lutte, la rue, les excès, pour arriver au retrait de la loi, était une forme « d’échec » - échec de la communication j’imagine. Je trouve cela courageux de sa part de reconnaître cela, alors qu’il est sorti « vainqueur » contre le gouvernement. Pas un mince exploit. Et puis lors du débat, il dit quelque chose comme : « les jeunes voient les entreprises comme des lieux hostiles ».
Plus tard, arrive sur scène Laurence Parisot pour conclure les débats. Elle sert la main de Bruno Juillard, annonce au micro que cette poignée de main est une première, et qu’elle est ouverte au dialogue. Bien.
Et elle enchaine tout de go (devant 900 personnes) : « Monsieur Juillard, cessez de dire que les entreprise sont des lieux hostiles. »
Et bien, je trouve ce propos catastrophique. Pour ouvrir la communication, Laurence Parisot commence par une agression verbale directe. Les jeunes ont peur des entreprises dit-il ? Est-ce en l’agressant que cette peur va diminuer – rappelons-nous le propos de Jacques Salomé, « derrière la peur, il y a un désir ». N’était-il pas possible de dire simplement : « Monsieur Juillard, je vous entends dire que les entreprises sont des lieux hostiles pour les jeunes, ou du moins que les jeunes pensent cela. En tant que représentante des chefs d’entreprise, je suis blessée d’entendre ces mots car nous faisons des efforts, blablabla…, et j’aimerais que nous travaillons ensemble sur ce piteux symptôme, blablabla… »
C’est la même chose, voire c’est de la langue de bois, dirons certains. Et bien non. Dans le premier cas, le propos est agressif, c'est un ordre « cessez ! ». Dans le deuxième cas et s’il est fait avec sincérité, « je suis blessée (ou touchée ou déçue…) » est une forme qui engage l’autre à débattre ouvertement pour chercher un rapprochement – s’il est de bonne volonté. Ce n’est pas un détail, c’est essentiel pour instaurer une vraie négociation.
D’ailleurs, le résultat ne s’est pas fait attendre. Laurence Parisot a fait son speech, que j’ai trouvé peu convaincant et très « pensée unique, credo in unum croissance ». Bruno Juillard a repris le micro pour dire qu’il ne trouvait rien dans le discours de nature à rapprocher les jeunes de ce monde-là. Laurence Parisot a répliqué qu’elle parlait à des chefs d’entreprise ! Sans commentaires.
Le show de 2 heures d’Alexandre Adler était magistral. Quelle fresque ! « Le monde en 2020 ». Pari impossible, pari fou… Un kaléidoscope de tous les continents avec force références, prospectives audacieuses, équilibres redessinés. Pourtant, je suis dubitatif. L’essentiel du discours ne résidait-il pas dans le prolongement des 10 minutes de précautions oratoires de l'introduction. Quoi… Ne pouvant pas prévoir les catastrophes, on a eu droit aux extrapolations d’un virtuose : voilà ou mènent les tendances des courbes politiques et économiques, toutes choses étant égales par ailleurs.
Tout cela de mon point de vue occultait le fond du débat « faut-il repenser la croissance ? » On sait maintenant avec certitude que la Planète ne pourra pas supporter longtemps le modèle de croissance tel que nous l’avons préparé pour nos enfants. Et les dangers, semblent-ils, sont à portée de nos propres vies, ou de celle de la génération qui arrive. Alors magnifique kaléidoscope, virtuosité, mais peut-être gigantesque mirage.
L’énergie, l’humour et la jeune pêche oratoire de Daniel Cohn Bendit. Quand il assène : « ne peut-on fermement demander aux Chinois qui préparent les Jeux, de respecter les valeurs olympiques pour leurs ouvriers qui construisent les stades ? », c’est une manière de réveiller les consciences des chefs d’entreprise, prosternés devant le « Dieu marché ».
Et d'ajouter quelque chose comme : « on utilise la croissance du PIB comme seul indicateur ? Mais à quelle croissance sommes-nous attachés ? A la croissance du CO2 dans l'atmosphère ? A la croissance du terrorisme dans le monde ? ... Ne faut-il pas créer d'autres formes de référentiels de croissance ? »
Stéphan Brousse, Président de L’UPE 13, quand il dit que « nous sommes devenus riches, il va nous falloir apprendre à partager ».
L’animateur du débat de l’après-midi à la provocation facile, et qui, silencieusement, les sourcils plissés, a pris l’air narquois lorsque Jacques Salomé ramenait le sujet de la croissance vers une réflexion sur le développement personnel. Le bonheur n’est semble-t-il toujours pas à l’agenda de ceux pour qui la quête de l’ego est celle du graal. Dommage :-(.
La discussion du déjeuner avec plusieurs congressistes. Nous avons prolongé l’idée d’Alexandre Adler du matin. La France, en panne d’initiative en Europe pour cause de référendum à reculons, ne devrait-elle pas repartir en audace avec quelques-uns ? Partager la puissance nucléaire avec un club de 5 ou 6 – Allemagne, Benelux, Italie par exemple – et faire souffler un renouveau venu des fondateurs de l’Europe.
Je me suis alors enflammé pour contrer les propos encore désolés sur notre Europe : « on est en panne, on est en retard, etc… ». Ralbol ! Ce n’est pas vrai. L’Europe est un phare du monde. Jamais dans l’histoire, autant de peuples n’ont tenté, autrement que par la guerre ou les alliances douteuses, d’unir leurs forces. Que se passait-il en Europe il y a 60 ans ? Faut-il encore le rappeler ? Il y a 15 ans pour exporter des cartes à puce Italie, il me fallait des licences d’importations italiennes, des licences d’exportation françaises, des procédures administratives ridicules. Faut-il faire en permanence un inventaire à la Prévert des progrès accomplis, ou continuer de se saoûler de lamentations ?
Bien sur, il est difficile de négocier à 25, bien sur, il y a trop de complexité, bien sur, il faut réinventer, et encore réinventer. Cette constitution ratée, c’est un coup d’arrêt, ok. Mais c’est un détail à l’échelle de l’histoire. De quoi parlerons-nous dans 500 ans ? De l’incroyable tentative, à la sortie d’un génocide sans précédent, qu’ont lancé les anciens ennemis pour construire ensemble un espace de paix, de prospérité, de progrès social. Parlera-t-on beaucoup des myriades de tergiversations, nécessaires à la construction. Alors foin des tiédeurs.
Je comprends ou interprète ainsi l’idée d’Adler : relancer des initiatives « régionales », de nature à bousculer le machin. Qui, de tous les pays européens, est le mieux placé pour s’approprier l’audace ? N’est-ce pas aussi un peu notre responsabilité après le fiasco du référendum ?
Même s’il a peu parlé dans ce concert bruyant d’idées, Jacques Salomé a souligné que le seul antidote à la violence est la communication. Rafraichissant.
Reste sans doute à toujours mieux apprendre à communiquer, à rester vigilant sur les signaux que nous envoyons consciemment ou non. Finalement, Laurence Parisot a peut-être réagi avec ses propres peurs… et désire profondément avancer vers Bruno Juillard...
Au fait, mon boulot à remettre ce lundi à Walter Baets ?
Il m'est apparu avant la fin de l’atelier sur la peur. J’hésite presque à le dire. L’objectif de ma boite, sa mission plutôt, je crois bien que c’est « éveiller ou réveiller les consciences ». Suis-je trop ambitieux ?
Nicorazon 10/11/2006 12:20